Voici une sélection de dix fables à lire...
Choisis celle que tu préfères, recopie-la et illustre-la. Entraîne-toi ensuite à la déclamer (dire à voix-haute). A la fin du chapitre sur la fable, tu présenteras ton texte et ton illustration à
la classe. Il faudra que tu sois capable d'expliquer ton choix à la classe et le sens de ta fable !
LA CIGALE ET LA FOURMI
La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal.
La Fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? j'en suis fort aise :
Et bien ! dansez maintenant.
La Fontaine
LE CHÊNE ET LE ROSEAU
Le Chêne un jour dit au roseau :
Vous avez bien sujet (1)d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent qui d'aventure (2)
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphir (3).
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La Nature envers vous me semble bien injuste.
Votre compassion, lui répondit l'Arbuste ,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût porté jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,(4)
Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.
La Fontaine
(1) des motifs pour...
(2) par hasard
(3 l'aquilon est un vent du nord, violent et froid, le zéphyr un vent léger et agréable.
(4) celui dont la tête était voisine du ciel
LA GRENOUILLE QUI SE VEUT FAIRE
AUSSI GROSSE QUE LE BŒUF
Une Grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
Pour égaler l'animal en grosseur,
...............Disant : Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
Nenni. M'y voici donc ? Point du tout. M'y voilà ?
Vous n'en approchez point. La chétive Pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
La Fontaine
LE LIÈVRE ET LA TORTUE
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Si tôt que moi ce but. Si tôt ? Êtes-vous sage ?(1)
Repartit l'Animal léger.(2)
Ma Commère, il vous faut purger
Avec quatre grains (3) d'ellébore.
Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux.
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire ;
Ni de quel juge l'on convint. (4)
Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ;
J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
Il s'éloigne des Chiens, les renvoie aux calendes, (5)
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D'où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur. (6)
Elle part, elle s'évertue ;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire ;
Tient la gageure (7) à peu de gloire ;
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à toute autre chose
Qu'à la gageure. À la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière, (8)
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? (9)
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?
La Fontaine
(1) êtes-vous sensée
(2) léger...de cervelle
(3) le grain est une mesure de poids valant 1/24 de denier, soit 0,053g. L'expression purger avec l'ellébore était proverbiale par allusion aux Anciens qui soignaient la folie par ce
moyen.
(4) ces 2 vers font certainement référence au texte ésopique, dont La Fontaine supprime les détails inutiles.
(5) aux calendes grecques....
(6) les sénateurs romains, dont la majesté est proverbiale
(7) le pari
(8) au bout de la course
(9) n'avais-je pas
D'un Rat de Ville, et d'un Rat de Village
Un Rat de Ville alla un jour faire visite à un Rat de campagne
de ses amis, qui lui donna un repas frugal composé de racines
et de noisettes. Après le repas, le Rat de Ville prit congé de son
hôte, qui lui promit de l'aller voir à son tour. On le régala
magnifiquement de confitures et de fromages ; mais le repas fut
souvent interrompu par les valets de la maison, qui allaient et
qui venaient de tous côtés, et qui causèrent de mortelles
alarmes au Rat de Village ; de sorte que saisi de crainte, il dit
au Rat de Ville qu'il préférait un repas frugal fait en repos et en
liberté, et la pauvreté du Village, à la magnificence des Villes,
et à une abondance pleine d'inquiétudes et de dangers.
Ésope
Nous sommes maintenant bien vieilles,
Dit la cigale à la fourmi.
A quoi te servent aujourd’hui
Tes richesses et tes merveilles ?
Toutes deux nous allons mourir.
Moi, j’aurai cessé de souffrir
Des suites de mon imprudence.
Toi, tu mourras dans l’abondance.
Mais tu laisseras ton trésor
Ici-bas. Car ce n’est pas l’or
Qu’on emporte dans l’autre monde.
- Ma voisine, dit la fourmi,
Ces propos sont d’un cœur ami
Et dont la sagesse est profonde.
Mais d’un seul mot, je me défends :
J’ai travaillé pour mes enfants.
Albert Christophle, Fables, 1902
LE CORBEAU ET LE RENARD
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
Et bonjour, Monsieur du Corbeau,
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie,
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.
Le Corbeau honteux et confus
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
La Fontaine
LES DEUX AMIS
Deux vrais amis vivaient au Monomotapa : (1)
L'un ne possédait rien qui n'appartînt à l'autre :
Les amis de ce pays-là
Valent bien, dit-on, ceux du nôtre.
Une nuit que chacun s'occupait (2) au sommeil,
Et mettait à profit l'absence du soleil,
Un de nos deux Amis sort du lit en alarme ; (3)
Il court chez son intime, éveille les Valets :
Morphée avait touché le seuil de ce palais.
L'ami couché s'étonne, il prend sa bourse, il s'arme ;
Vient trouver l'autre, et dit : Il vous arrive peu
De courir quand on dort ; vous me paraissez homme
A mieux user du temps destiné pour le somme :
N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ?
En voici. S'il vous est venu quelque querelle,
J'ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point
De coucher toujours seul ? Une esclave assez belle
Était à mes côtés ; voulez-vous qu'on l'appelle ?
Non, dit l'ami, ce n'est ni l'un ni l'autre point :
Je vous rends grâce de ce zèle.
Vous m'êtes en dormant un peu triste apparu ;
J'ai craint qu'il ne fût vrai, je suis vite accouru.
Ce maudit songe en est la cause.
Qui d'eux aimait le mieux ? Que t'en semble, lecteur ?
Cette difficulté vaut bien qu'on la propose.
Qu'un ami véritable est une douce chose!
Il cherche vos besoins au fond de votre coeur ;
Il vous épargne la pudeur (5)
De les lui découvrir vous-même.
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s'agit de ce qu'il aime.
La Fontaine
(1) C'était un Royaume d'Afrique australe, peuplé de Cafres. L'éloignement confère cet aspect chimérique où tout est possible.
(2) S'abandonnait
(3) Effrayé, épouvanté
(4) Personnage de la mythologie grecque. Il endort les mortels qu'il effleure avec la tige d'une fleur de pavot et crée les rêves.
(5) Honnête honte
LA LAITIÈRE ET LE POT AU LAIT
Perrette, sur sa tête ayant un Pot au lait
Bien posé sur un coussinet,
Prétendait (1) arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là pour être plus agile
Cotillon (2) simple, et souliers plats.
Notre Laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employait l’argent,
Achetait un cent d’ œufs, faisait triple couvée ;
La chose allait à bien par son soin diligent.(3)
Il m’est, disait-elle, facile
D’élever des poulets autour de ma maison :
Le Renard sera bien habile,
S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ;
Il était quand je l’eus de grosseur raisonnable ;
J’aurai le revendant de l’argent bel et bon ;
Et qui m’empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il (4) est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?
Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
La Dame de ces biens, quittant d’un oeil marri
Sa fortune ainsi répandue,
Va s’excuser à son mari
En grand danger d’être battue.
Le récit en farce (5) en fut fait ;
On l' appela le Pot au lait.
La Fontaine
(1) espérait
(2) petite jupe ou cotte de dessous
(3) méticuleux
(4) le prix que représente le porc
(5) comédie populaire ; cette farce n'a sans doute jamais été écrite...
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure (1).
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi (2) de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas (3) désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
Comment l'aurais-je fait si (4) je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau ; je tette encor ma mère
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos Bergers et vos Chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge."
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l'emporte et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
La Fontaine
(1) à l'instant même
(2) assez hardi pour
(3) "je vais"
(4) puisque
Le Chien nageant
On perd justement son bien, quand on convoite celui d’autrui.
Un chien traversait un fleuve avec un morceau de chair dans sa gueule: il aperçoit son image dans le miroir des eaux, et, croyant voir un autre chien portant une autre proie, il veut la lui ravir. Mais son avidité fut trompée il lâcha la proie qu’il tenait, et ne put néanmoins atteindre celle qu’il avait convoitée.
Phèdre
LE CORBEAU ET LE RENARD
Maître Corbeau sur un chêne mastard
Tenait un from'ton dans le clapoir.
Maître Renard reniflant qu'au balcon
Quelque sombre zonard débouchait les flacons
Lui dit: «Salut Corbac,
c'est vous que je cherchais.
A côté du costard
que vous portez, mon cher,
La robe du soir du Paon
est une serpillière.
Quand vous chantez, il paraîtrait sans charre
Que les merles du coin
en ont tous des cauchemars.»
A ces mots le Corbeau
plus fier que sa crémière,
Ouvrit grand comme un four
son piège à ver de terre.
Et entonnant "Rigoletto"
il laissa choir son calendo.
Le Renard le lui pique et dit:
«Apprends mon gars
Que si tu ne veux point
tomber dans la panade
N'esgourde point celui
qui te passe la pommade...»
Moralité:
On doit reconnaître en tout cas
Que grâce à Monsieur La Fontaine
Très peu de chanteurs d'opéra
Chantent aujourd'hui la bouche pleine.
Pierre Perret
Ce site a été conçu avec Jimdo. Inscrivez-vous gratuitement sur https://fr.jimdo.com